Peut-on produire des témoignages anonymes devant le conseil de prud'hommes?

05 Mai 2023 Ugo Giganti Avocat

La réponse n'est pas si claire et vient de faire l'objet d'un revirement récent de la Cour de cassation.

 

Un employeur produit un témoignage anonyme pour justifier la mise à pied d’un salarié.

 

La Cour aurait pu écarter ce témoignage sans même l’examiner.


Après tout il s’agit de témoignages anonymes dont on ne connait pas la provenance ou encore les conditions d’obtention.

 

Ce n’est pas la position prise dans un arrêt du 19 avril 2023, RG n° 21-20.308 :

 

« Il résulte de ce texte garantissant le droit à un procès équitable, que si le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes, il peut néanmoins prendre en considération des témoignages anonymisés, c'est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l'identité est néanmoins connue par l'employeur, lorsque ceux-ci sont corroborés par d'autres éléments permettant d'en analyser la crédibilité et la pertinence. »

 

Le principe est que le témoignage est écarté… mais l’exception est très large puisque le juge pourra l’utiliser si d’autres éléments permettent d’y donner crédit.

 

Les risques de dérive suite à cet arrêt sont très importants.

 

Il n’existe aucune garantie d’authenticité concernant ces attestations anonymes produites au débat: l’employeur est censé en connaitre les auteurs (quid de leurs avocats?).

 

Le risque est tout simplement qu’un dossier de toute pièce soit monté contre un salarié sur la base de témoignages anonymes.

 

Il suffirait alors d’un élément, pourquoi pas des témoignages en bonne et due forme de salariés faisant état de rumeurs, pour que les témoignages anonymes suivant soient utilisables.


De même doit-on comprendre que l’inverse est possible, à savoir qu’un salarié puisse produire des témoignages anonymes pour renforcer un dossier, par exemple de harcèlement moral, un peu fébrile?

 

Les dossiers de pièce vont se remplir facilement!

 

Comment est-il possible de se défendre de tels témoignages?

 

C’est très délicat, au moins devant le conseil de prud’hommes.

 

En cas de doute sérieux sur l’authenticité des éléments produits le salarié garde la possibilité d’agir au pénal contre son employeur pour faux, usage de faux et escroquerie au jugement.

 

Il s’agit toutefois d’une protection très théorique, peu de salariés empruntant cette voie alors qu’un contentieux prud’homal est déjà très coûteux.

 

C’est aussi une porte ouverte pour alourdir un contentieux prud’homal dont l’intensité semble aller croissante.

 


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