LE FORFAIT EN JOURS

J’entends régulièrement de mes clients que « un salarié cadre n’a pas d’horaire et ne bénéficie pas des heures supplémentaires »
C’est complètement faux : aucune disposition du code du travail ne prévoit qu’un cadre est de facto privé du paiement des heures supplémentaires.
Par principe tout salarié est soumis à la durée légale du travail, à savoir 35 heures par semaine, et doit bénéficier du paiement des heures supplémentaires, y compris s’il est cadre.

Ce n’est que lorsqu’un salarié dispose d’une certaine autonomie dans l’organisation de la durée du travail qu’il peut être privé du paiement des heures supplémentaires. L’hypothèse la plus courante pour les cadres est la conclusion d’une convention de forfait annuel en jours qui nécessite de remplir les conditions suivantes :

Un accord d’entreprise ou un accord de branche prévoyant les modalités de mise en œuvre d’une convention de forfait en jours doit exister. Pour l’essentiel cet accord doit :

  • Identifier les salariés pouvant conclure une convention de forfait en jours, les critères retenus étant généralement en lien avec la classification ou encore la rémunération;
  • Fixer le nombre de jours compris dans le forfait, sans pouvoir dépasser 218 jours par an;
  • Assurer le droit à la déconnexion;
  • Prévoir un entretien annuel portant sur la charge de travail, l’organisation du travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que la rémunération;
  • Prévoir l’établissement d’un document de contrôle faisant apparaitre le nombre et la date de journées ou demi-journées travaillées.

Le salarié doit signer une convention de forfait en jours, généralement intégrée dans son contrat de travail initial.

Or, ces conventions de forfait en jours font très régulièrement l’objet d’abus ou de défauts d’application de la part des employeurs, les situations les plus courantes étant les suivantes :

  • Les entretiens annuels de suivi de la convention individuelle de forfait en jours ne sont pas tenus et/ ou tous les thèmes devant être abordés ne le sont pas;
  • Le document de contrôle concernant les journées travaillées et de repos ne sont pas respectés;
  • La classification minimale ou la rémunération minimale pour conclure une convention individuelle de forfait en jours n’est pas respectée;
  • Les durées de repos minimales (11 heures de repos consécutif par jour et 35 heures hebdomadaire) ne sont pas respectées et/ ou le salarié travaille durant ses congés payés ou de repos;
  • Le droit à la déconnexion n’est pas garanti ;
    Les garanties contenues dans la convention de forfait en jours conclue au niveau de l’entreprise ou de la branche ont été invalidées par une Cour d’appel et/ ou la Cour de cassation.

Chacun des abus mentionnés ci-dessus est sanctionné par l’inopposabilité de la convention de forfait en jours et le retour rétroactif à un mode de décompte du temps de travail sur une base de 35 heures hebdomadaires.

Or, en pratique, la plupart des entreprises sont en infraction d’au moins l’une des règles rappelée ci-dessus.

Cette sanction a des conséquences en chaîne considérables puisque le salarié pourra demander le paiement rétroactif, sur les 3 dernières années :

  • Les heures supplémentaires, en principe majorées de 25% pour les 8 premières heures effectuées dans la semaine et 50% au-delà;
  • Le paiement des congés payés afférents à ces heures supplémentaires, soit 10% des heures supplémentaires susmentionnées ;
  • Le paiement d’une indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos en cas de dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires (220 heures par an), à hauteur de (a) 50% du salaire horaire par heure effectuée au-delà du contingent si l’entreprise compte jusqu’à 20 salariés et (b) 100% du salaire horaire par heure effectuée au-delà du contingent si l’entreprise compte plus de 20 salariés ;
  • A l’inverse, le salarié devra rembourser les « RTT » qu’il aura perçu : attention dans certains cas ce remboursement est susceptible d’être supérieur aux demandes de rappel de salaires pour heures supplémentaires !

Dans les cas les plus extrêmes où l’abus de l’employeur est particulièrement caractérisé, le salarié pourra également solliciter :

  • Le paiement d’une indemnité égale à 6 mois de salaires pour travail dissimulé, ce qui nécessite la démonstration d’une intentionnalité de l’employeur, peu évidente en pratique ;
  • Le paiement de dommages et intérêts pour violation des durées minimales de repos et maximales de travail, notamment lorsque le salarié a travaillé le weekend, très tard le soir ou tôt le matin, ou durant des congés payés ou des jours fériés ;
  • Le paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, notamment en cas d’alerte du salarié sur la surcharge du travail restée sans réponse ;
  • Le paiement de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de santé et de sécurité, notamment lorsque le salarié a été placé en arrêts de travail pour épuisement professionnel malgré des alertes sur sa surcharge de travail.

Pour les salariés, la démonstration du préjudice et des heures supplémentaires implique de rassembler de très nombreuses preuves (relevés de badges, emails, relevés de parking, SMS, journal d’appel, horaires de modification des documents, attestations de témoins…) qu’il faut compiler dans un tableau de rappel de salaires.

Les règles de décompte du temps du travail étant particulièrement complexe il est très fortement recommandé de recourir à un avocat exerçant en droit du travail pour compiler les éléments de preuve.

Pour les entreprises, les sanctions rappelées ci-dessus sont extrêmement lourdes et peuvent même menacer la pérennité de l’activité économique en cas de contentieux de masse. Les entreprises ont donc elles aussi intérêts à se conformer scrupuleusement aux règles relatives à la convention de forfait en jours et à solliciter l’aide d’un avocat pour se faire.

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