Les attributions gratuites d’actions (AGA) entrent-elles dans l’assiette de calcul des indemnités de rupture du contrat de travail ?


 

Dans un précèdent article nous nous étions intéressés à la façon dont peuvent être valorisées les attributions gratuites d’actions (AGA ou encore RSU) non acquises (« non vestées ») au moment de la rupture du contrat de travail [voir notre article « Que deviennent les attributions gratuites d’actions en cas de rupture du contrat de travail ? »].

 

La question de l’intégration des AGA dans l’assiette de calcul des indemnités de licenciement est tout aussi importante, puisque c’est sur la base du calcul du salaire de référence que seront ensuite calculées les indemnités auxquelles peut prétendre un salarié dont le contrat a été rompu.

 

Qu’est-ce que le salaire de référence ?

 

Le salaire de référence permet de fixer un salaire servant de base au calcul des diverses indemnités versées au moment de la rupture du contrat. Le salaire de référence va ainsi avoir une incidence directe sur le montant de (i) de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (ii) l’indemnité versée dans le cadre d’une rupture conventionnelle ainsi que (iii) que le salaire dû dans le cadre du préavis ou encore d’une indemnité de non-concurrence.

 

Le salaire de référence intègre tous les éléments de rémunération tels que les primes obligatoires, les avantages en nature, la part variable de la rémunération assise sur la performance ou encore les heures supplémentaires.

 

Schématiquement, le salaire de référence se calcule sur la moyenne des trois derniers mois ou des douze derniers mois précédents la sortie effective du salarié de l’entreprise. La moyenne la plus favorable pour le salarié est alors retenue.

 

Les attributions gratuites d’actions comme outil d’intéressement

 

Pour rappel, les AGA font parties des outils d’intéressement des salariés qui se voient attribuer des actions de la société sans avoir à les payer.

 

Ces salariés ne deviendront propriétaires des actions qu’à l’issue d’une période d’acquisition, également appelée période de vesting. L’employeur s’assure ainsi la fidélité des salariés pendant cette période et renforce également l’alignement des intérêts de l’entreprise et de ses salariés.

 

Les management package offrant des AGA sont des modèles de rémunération particulièrement répandus dans les secteurs bancaires et financiers, (voir également notre article [voir notre article « Le sort des bonus différés en banque d’affaires en cas de sortie des effectifs »]) ou encore au sein des entreprises technologiques à fortes croissances.

 

Compte tenu de la valeur que peuvent représenter ces actions une fois la période de vesting arrivée à son terme, les sommes allouées au travers des AGA deviennent un véritable enjeu au moment de la rupture du contrat de travail.

 

Dès lors, les AGA sont-elles des éléments de rémunération dont il faut tenir compte ?

 

Le principe de l’exclusion des actions gratuites semble avoir été acté par la chambre sociale de la Cour de cassation du 15 novembre 2023 :

 

« Ni la distribution d’actions gratuites ni l’attribution d’option sur titres ne constituent des éléments de rémunération entrant dans l’assiette du salaire à prendre en considération pour le calcul des indemnités litigieuses »

 

La question ne semble toutefois pas tout à fait tranchée dans la mesure où cet arrêt ne revient pas totalement sur un arrêt antérieur du 4 novembre 2021 dans lequel la Chambre Sociale de la Cour de cassation intégrait les AGA dans le salaire de référence sous certaines conditions :

 

« 6. Lorsqu'elle est payée en exécution d'un engagement unilatéral de l'employeur, une prime constitue un élément de salaire et est obligatoire pour l'employeur dans les conditions fixées par cet engagement, peu importe son caractère variable.

7. Pour dire que l'attribution gratuite d'actions dans le cadre du plan de rémunération à long terme n'est pas la contrepartie du travail de la salariée et ne doit donc pas être intégrée au salaire annuel pour évaluer le montant du salaire mensuel moyen de la salariée, l'arrêt retient que le versement des LTI (long-term incentives) en exécution d'un engagement unilatéral de l'employeur, qui ne concerne que l'origine de l'avantage, est insuffisant à lui attribuer la nature de rémunération du travail de la salariée.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que les primes « CSPU » et « MSU » avaient été payées en exécution d'un engagement unilatéral de l'employeur, ce dont elle aurait dû déduire qu'ayant le caractère de salaire, elles étaient obligatoires et devaient être prises en compte dans l'assiette de calcul des indemnités de rupture, de l'indemnité minimale due en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité de non-concurrence et du rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
 »

 

La solution jurisprudentielle est à ce jour assez byzantine puisqu’elle semble distinguer :

 

  • Les AGA versés dans le cadre d’un engagement unilatéral, a priori collectif, de l’employeur : les AGA entreraient alors dans le salaire de référence ;

 

  • Les AGA versés hors cadre d’un engagement unilatéral de l’employeur : les AGA n’entreraient alors pas dans le salaire de référence.

 

La jurisprudence n'est donc pas encore totalement stabilisée et il est particulièrement recommandé de faire analyser chaque situation par un avocat expert en la matière.

 


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